PAR : Claire Challen PHOTOGRAPHIE : Paul Morrison

Les Portes du Soleil

À BORD DE NOTRE CAMIONNETTE DE LOCATION PLEINE D’ÉQUIPEMENT, LG Palmer, vidéographe; Ashley Herod-Tait, réalisatrice de S-Media; Paul Morrison, photographe; et moi-même sommes partis à la recherche d’un café. Alors que déferlaient des points de vue imprenables sur le lac de Genève et les pâturages luxuriants ponctués de maisons de ferme le long de l’autoroute, j’avais peine à croire que nous allions pouvoir skier plus tard dans la journée. Après avoir pris la sortie vers les Portes du Soleil, passé un dernier rond-point et emprunté un minuscule chemin, nous avons commencé notre ascension dans les montagnes. De la neige recouvrait les coteaux le long des routes sinueuses qui étaient à peine assez larges pour croiser un gros véhicule. Les villages à flanc de coteau et les chalets en bois déverni étaient si près que nous pouvions presque les toucher. Quand nous sommes entrés dans la cour minuscule de l’hôtel-boutique artistique Beau-Séjour dans le village historique de Champéry, il a commencé à neiger. Nous nous sommes immédiatement précipités sur la grande rue pour manger au restaurant Le Nord, un espace chaleureux à poteaux et poutres à trois minutes de marche de l’hôtel. Malgré le décalage horaire, nous avons réussi à déchiffrer le menu en français avec un peu d’aide de notre patient serveur et avons savouré divers röstis, le premier de nombreux repas de la délicieusement décadente tradition suisse.

Chevaleresques comme à l’habitude, les garçons ont, après dîner, évalué les conditions de la station et rapporté une faible visibilité, ainsi qu’une pluie verglaçante recouvrant les lunettes protectrices. Comme je ne me sentais pas dans la plus grande forme, j’ai décidé de passer mon tour. Après des voyages d’équipement dans ma petite chambre et un coup d’œil aux deux lits 1 place confortables recouverts de douillettes en duvet suisse, je me suis offert le luxe d’une sieste en après-midi, en me disant qu’Ashley faisait probablement la même chose dans la chambre voisine. Plus tard, en entendant les folles histoires des gars prenant les virages à toute allure sur des pistes inconnues, aveuglés par le brouillard, et décrivant le facteur de danger combiné au manque de sommeil, je me suis dit que j’avais peut-être manqué quelque chose.

Le principal véhicule tracté par câble de Champéry passe directement au-dessus de l’hôtel, à une dénivellation verticale de plus de 1 200 mètres au-dessus du village, au cœur de la station de ski des Portes du Soleil, où un billet de remontée donne accès à 12 stations interreliées en Suisse et en France, pour un total de 209 remonte-pentes, 700 kilomètres de pistes et une superficie illimitée de terrain hors piste. Du sommet de Champéry, les skieurs peuvent accéder aux quatre stations suisses Champéry, Les Crosets, Champoussin et Morgins. À l’ouest se trouvent huit stations françaises, y compris Avoriaz et Châtel.

Cette soirée-là, nous avons discuté du plan du lendemain dans le restaurant de l’hôtel Le Vieux Chalet, tout en engouffrant une pièce de bœuf local grillée sur feu nu. Confortablement assis après un trio de crèmes brûlées, nous avons regardé tomber, à notre ravissement, une neige abondante, à la lueur des lumières extérieures. Un ciel gris et une faible visibilité nous attendaient le matin venu, tout comme une neige fraîche et l’énergique Andy MacMillan, d’Abbotsford, en Colombie-Britannique. Habitant des Alpes depuis 25 ans, Andy est propriétaire de La Crevasse, la seule boîte de nuit de Champéry, située au centre de la ville. Guide de montagne de jour lorsqu’il le peut, il met ainsi ses épatantes aptitudes en ski à profit. Une fois qu’Andy s’est assuré que nous avions tout l’équipement de sécurité requis, y compris des sondes et des pelles, et que nos phares étaient fonctionnels, il est parti à la vitesse de l’éclair, nous défiant de le suivre.

Après une matinée à tomber dans des poches poudreuses tout juste à côté des pistes de « cat skiing » dans cette région où l’on peut skier partout où on le désire, nos explorations nous ont menés au carrefour d’Avoriaz et de Châtel, où nous avons skié à la station Les Rhodos, au Village des Chèvres, un pâturage en montagne pour les chèvres en été. Le ventre plein d’escargots, de vin chaud réconfortant et de chanterelles à la crème maison, sur recommandation d’Andy, je me suis sentie coupable de passer autant de précieux temps dans le chalet. Mais, en regardant autour de moi, j’ai remarqué que la plupart des clients prenaient leur dîner au sérieux. Nous sommes sortis en titubant deux heures plus tard. Le sommet du Pas de Chavanette, également connu comme l’iconique « mur suisse », donne l’option aux skieurs de descendre soit en France, soit en Suisse. Suivant Andy de près, nous nous sommes lancés sur la pente de 40 degrés vers Les Crosets, du côté suisse, faisant nos débuts silencieux sur le mur. Normalement parsemée de bosses de la taille De Chevaux, la piste était aujourd’hui recouverte de poudreuse profonde jusqu’aux genoux. Pour célébrer notre conquête du mur, nous avons skié jusqu’à la Buvette des Clavets, un chalet invitant en bord de piste. En tant que seuls clients, nous n’avons eu aucune difficulté à nous procurer rapidement plus de vin chaud, mais les clients peuvent réserver à l’avance leur fondue avec descente de ski emballante à la noirceur, guide recommandé.

Un champ de neige vierge nous attendait à l’arrière du chalet. Serpentant en dents de scie sur le terrain, nous sommes arrivés au pied de la montagne, dans une zone connue sous le nom de « Grand Paradis », où nous sommes entrés, en passant, dans une yourte à côté de l’aire de stationnement. Embarrassé, Andy nous a montré quelques sièges dans une Subaru empruntée, où nous avons pris place à l’étroit. Après avoir péniblement sorti nos corps entrelacés de l’avant du véhicule et décollé Paul et LG, le géant sympathique, de l’arrière, nous avons déambulé bruyamment la rue silencieuse du village. Nous sommes retournés au restaurant Le Nord pour un souper sans décalage horaire. À une table en coin, sous des lanternes rustiques miniatures dans une pièce remplie de clients heureux, nous avons plongé dans une raclette fondante exceptionnelle et du saumon dégorgé au sel. On m’a incitée (contrainte) pour la deuxième soirée à prendre du génépi de Champéry, une gnôle préparée localement au moyen de plantes alpines trempées dans de l’alcool de vin pur, prétendant qu’elle pourrait traiter mon rhume tenace.

Le deuxième jour, le soleil était au rendez-vous, tout comme la Suisse que je m’étais imaginée. Les photos que j’avais vues de la région montraient des paysages époustouflants comme ceux-là. De mon balcon, je pouvais voir les Dents du Midi et les Dents Blanches. À bord du tramway, les vues panoramiques sur les montagnes, une fois arrivés au sommet, étaient à couper le souffle. Nous avons alterné, à notre guise, entre des pistes bien damées et des descentes abruptes dans la poudreuse sans jamais se faire dire que nous ne pouvions skier à tel ou tel endroit. En pointant des sommets, des bols ouverts et des falaises rocheuses dans les vallées, Andy nous a dit avoir découvert de nouvelles lignes chaque saison; les possibilités presque infinies du ski hors piste, c’est essentiellement ce qui le retient à cet endroit. À ma dernière descente de la journée, j’avais comme toile de fond des chalets en bord de piste sur un ciel rose.

J’aurais pu skier jusqu’en soirée, mais des plats gourmets incroyables, comme le carpaccio de bœuf et le foie gras, nous attendaient au charmant Café du Centre. À notre réveil le troisième jour, la visibilité était toujours limitée et plusieurs télésièges étaient fermés, mais notre attention a été détournée par les créations savoureuses que la propriétaire du Beau-Séjour, Sophie, cuisine chaque jour pour ses invités : des meringues surmontées d’une framboise, des gâteaux, des tartes et des éclairs au chocolat. C’est donc le ventre plein que nous sommes montés à bord du train pour le trajet de 10 minutes vers le nord, jusqu’au Thermes Parc – Les Bains de Val-d’Illiez, où nous nous sommes laissés flotter dans les sources d’eaux chaudes naturelles et rajeunissantes. Des massages nous ont offert encore plus de soulagement après avoir pourchassé Andy dans les Alpes pendant deux jours. Nous avons passé un après-midi bien calme à visiter le village et à faire des provisions de chocolat et de vin à l’épicerie du coin.

Des rumeurs selon lesquelles une trop grande quantité de fromage causerait des ravages au système interne nous ont amenés à opter pour un repas d’un service bien simple Chez Joe. Détenu et exploité par Joël Leroux, un jeune surfeur canadien de Gaspé, au Québec, l’endroit offre une excellente sélection de bières, ainsi que des hamburgers de bœuf et de poulet servis dans une atmosphère décontractée, à des prix inférieurs à la moyenne à Champéry.

Une ambiance sonore confortable et des arômes appétissants régnaient dans cette petite place lorsque nous sommes entrés pour un repas simplement délicieux. Bien que la Suisse soit l’un des pays les plus riches au monde, je découvrais un pays qui a bien compris que ce sont les petits plaisirs de la vie qui comptent vraiment. Les Suisses travaillent dur, mais ils prennent aussi le temps de se divertir à l’extérieur, de bien manger et de boire du bon vin avec leurs êtres chers. Le dur travail dans les champs remplit les assiettes de viande et de légumes locaux, et les grottes produisent les fromages incroyables utilisés dans les fondues suisses.

Kishtahd

Lorsque notre séjour dans la région des Portes du Soleil s’est terminé, nous avons mis le cap sur le nord, en direction de Gstaad. La GoldenPass de la ligne ferroviaire suisse facilite incroyablement les déplacements en Suisse. La ligne s’étend sur près de 240 kilomètres, permettant aux clients de se déplacer du lac de Genève, à l’extrémité sud-ouest, à Lucerne, au centre du pays, à bord de trains panoramiques. Assis en première classe avec caméra un et caméra deux à mes côtés et quelques bouteilles de champagne à 10 h, je menais la grande vie. Le brouillard voilait les sommets au loin, mais de magnifiques villages longeaient les rails, encadrés de grands pâturages et de maisons en montagne. Il neigeait à gros flocons lorsque le train est arrivé à Gstaad, que les locaux prononcent « Kishtahd » et que nous maltraitons tous constamment. Ce village haut de gamme a su satisfaire les caprices de Madonna et d’Elizabeth Taylor, grâce à ses chics hôtels cinq étoiles, mais il offre beaucoup plus que des vêtements haute couture et des établissements d’hébergement huppés.

À trois kilomètres de Gstaad se trouve le village discret de Saanen, où nous avons passé une soirée au bar branché 16 Art, une ancienne fonderie de cloches transformée en restaurant avec des plafonds bas et un menu changeant selon les saisons. Perché dans la montagne se situe notre hôtel, Solsana. Cet établissement à tourelles trois étoiles de type château est unique non seulement de par son architecture, mais aussi du fait qu’il répond aux besoins des clients malvoyants vu ses affiches en braille, ses corridors ouverts et ses chambres spacieuses. Chose quelque peu incongrue pour la Suisse, il abrite aussi une piste de quilles. Par temps clair, l’hôtel jouit d’une vue spectaculaire sur la vallée et les stations de ski environnantes.

Un rang étroit monte de l’hôtel jusqu’à Sonnenhof, où nous avons dégusté un souper extravagant composé de truffes et de bar, regardant les lumières de la vallée à travers les flocons de neige épais. Bien qu’il y ait amplement d’options de magasinage et de restauration pour nous tenir occupés pendant des jours sans jamais avoir à enfiler une paire de skis, les possibilités de ski à Gstaad sont nombreuses. La ville attire les skieurs débutants et intermédiaires, étant donné ses élévations inférieures (la plupart des sommets atteignant environ 2 000 mètres, seul le glacier à Les Diablerets s’élevant à environ 3 000 mètres), mais aussi les sportifs d’expérience grâce à un terrain des plus diversifiés offrant 220 kilomètres de pistes. Nous avons découvert qu’il s’agit d’un secret bien gardé pour le skieur invétéré, car elle attire essentiellement des skieurs sur piste, laissant le terrain hors piste remarquablement grand et diversifié aux skieurs à la recherche de poudreuse.

À la station de ski Saanerslochgrat-Hornberg à proximité, nous avons trouvé une station sobre dotée d’une yourte après-ski sans prétention et de voies délimitées par des cordes simples menant les skieurs vers le seul remonte-pente, une minuscule télécabine offrant tout juste assez de place pour le guide Bernhard Hauswirth et moi d’un côté, ainsi que LG et le matériel vidéo de l’autre. À 1 900 mètres, nous sommes arrivés à un restaurant alpin par une journée des plus ensoleillées où un terrain skiable s’étendait de tous les côtés. Comme toutes les pancartes ce matin-là menaient à Saanen-quelque chose, mais aucune à Saanerslochgrat, nous avons pris du retard. Une arrivée tardive est normalement cause de panique chez les Nord-Américains avides de poudreuse, ce que l’on remarque par une cadence follement rapide en bottes de ski, des dépassements sournois dans les files d’attente aux remonte-pentes, un nettoyage dynamique des bottes et, enfin, le martèlement puissant du combo de patinage et de poussée de bâtons dans l’espoir de récupérer un peu du temps perdu. Même un retard de 15 minutes peut être fatal en Amérique du Nord. Mais ici, je me suis rendu compte que la superficie est considérable, qu’il y a peu de gens, la plupart restant sur les pistes damées, et que la quantité de neige fraîche et vierge est inhabituelle.

À l’arrière du restaurant, nous nous sommes échauffés sur un terrain abrupt et une neige abondante, semblable à un terrain de « cat skiing » ou d’héliski. C’était un bon départ pour une journée de pentes sans traces, combinées à des pentes intermédiaires graduelles exigeant un effort minimal, le tout combiné à un facteur de flottement élevé. Après s’être vite changés pour enfiler des vêtements chics que nous avions enfouis dans nos sacs, nous sommes entrés dans le palace hôtelier Alpina cinq étoiles. J’ai gravi l’escalier grandiose jusqu’au Sommet, un des trois restaurants de l’hôtel, me demandant s’il y a avait une note à côté de nos noms indiquant « Vous ne pouvez vous permettre de manger ici ». Je ne peux peut-être pas fréquenter de tels établissements quotidiennement, mais il n’est pas difficile de reconnaître le summum du service et de la classe. Le personnel s’est dépassé pour s’assurer que les gens à notre table étaient satisfaits : le chef de cuisine nous a rendu visite à deux reprises, notre charmant sommelier n’a cessé de nous donner des renseignements intéressants et on nous a apporté sept plats exquis. Pendant notre souper, il continuait de neiger à gros flocons. En tant que conductrice désignée, je me suis rendu compte que ma première expérience de conduite en Europe se ferait dans cinq pouces de neige. La camionnette était un excellent véhicule, mais elle n’était pas conçue pour les routes enneigées et abruptes que je devais emprunter pour revenir à notre hôtel. Lorsque je me suis rangée sur le côté à la suite de cris « Non, non, non » en raison d’un taxi qui venait à vive allure en sens inverse sur le chemin à voie unique, je savais que j’avais perdu mon élan.

Faisant confiance à ma conduite ou laissant ses sept coupes de vin et son rince-gueule de génépi lui insuffler courage, un certain brave photographe s’est jeté sur le capot incliné de la camionnette, s’agrippant aux bords et s’écriant « Appuie sur le champignon! » De retour, saine et sauve, à l’hôtel Solsana, je suis allée sur mon balcon pour y admirer les lumières féériques des villages de Gstaad et de Saanen.

Wasserngrat et Eggli

J’ai ouvert les rideaux. La poudreuse était encore au rendez-vous. Dans le rang étroit, nous avons refait le chemin que nous avions fait dans une carriole deux jours plus tôt avec notre hôtesse Antje. Nous sommes sortis avec nos bottes de ski en vociférant pour pousser la camionnette après s’être arrêtés sur le côté pour prendre un résident allant au village.

La porte coulissante ouverte, nous avons de nouveau pris place dans le véhicule et sommes parvenus à la minuscule aire de stationnement à quatre rangées de Wasserngrat, une station unique déserte, avec un seul remonte-pente et 25 centimètres de neige par-dessus 25 autres centimètres. Offrant un terrain abrupt, avec une dénivellation verticale de 625 mètres, considérablement inférieure à la moyenne pour une station de destination, ainsi que quatre pistes avec signalisation, Wasserngrat s’avérait une candidate peu probable pour une journée incroyable. Habituellement, ce terrain pourrait être considéré comme limité, mais la neige ne cessait de tomber, et il n’y avait que nos traces contre lesquelles lutter jusqu’à ce qu’une poignée de gens arrivent en fin de matinée. Bernhard nous dit alors que de nombreux résidents et visiteurs restent à l’intérieur pour une seconde tasse de café lorsqu’il neige trop; la neige fraîche ne les énerve pas. Vu cette énorme accumulation et le désintérêt de tous, sauf nous, c’était magique. Difficile de demander mieux que de prendre le seul remonte-pente chaque fois sans attente et que de dîner au sommet de la montagne, au Bergrestaurant Wasserngrat, avec de nombreuses portions de meringue et de triple crème bien épaisse. Même nos fidèles vidéographe et photographe ont brièvement cessé leurs fonctions le temps de quelques descentes sans leur lourd sac d’équipement au dos.

Nous avions déjà eu de la chance, après deux incroyables journées à skier dans la poudreuse dans les montagnes de Gstaad, et Dame Nature nous offrait gracieusement une journée de plus. À seulement 10 minutes de marche du centre de Gstaad, la station Eggli, facilement accessible, accueille les skieurs avec une télécabine unique en forme d’œuf. Les supports ne sont pas adaptés aux skis et planches contemporains, vous devez donc partager le minuscule espace avec votre équipement. À son plus haut, Eggli ne s’élève qu’à seulement 1 672 mètres, ce qui en fait un choix attrayant pour les débutants et intermédiaires. Au début, la neige était si profonde qu’il m’était impossible d’atteindre une vitesse assez élevée pour prendre les virages malgré tous mes efforts à pousser avec les bâtons et les jambes. Heureusement, nous avons trouvé des pentes plus abruptes, un remonte-pente plus haut, à Vorderes Eggli, où j’ai regardé Ashley se faire instantanément dévorer par la neige. Lorsque LG, l’homme le plus grand sur la montagne, est disparu, ne laissant voir que ses lunettes protectrices, je me suis bien doutée qu’il devait s’agir là de la neige la plus profonde que j’avais jamais vue. Pendant mon ascension dans le remonte-pente en T, alors que je digérais le merveilleux dîner du Bergrestaurant Eggli, le slogan de Gstaad « Come up, slow down » (Montez, ralentissez) m’est venu à l’esprit. On incite les gens à prendre le temps de relaxer et de profiter de la belle vie. Nous réussissions bien à suivre ce conseil selon moi. En Amérique du Nord, je pouvais vérifier les statistiques d’accumulation de neige afin de déterminer la quantité de neige qui était tombée pendant la nuit. Ici, je n’arrivais pas à trouver aucun site sur les précipitations de neige pour m’aider à me préparer. Si je parvenais à trouver des chiffres, c’était d’énormes sous-estimations. J’en ai demandé la raison à notre guide, Karin Bach, qui m’a répondu que personne ici ne veut vraiment le savoir. Une trop grande quantité de neige peut même dissuader les résidents et les vacanciers souhaitant s’en tenir aux pistes damées de se rendre sur les pentes. Ou, peut-être à la manière suisse scrupuleuse, les précipitations de neige annoncées seraient contestées, car on aurait découvert 15 centimètres du côté sous le vent, mais seulement 10 de l’autre. Le fait de limiter les publications permet d’éviter toute argumentation, tout en offrant chaque jour la surprise d’une neige plus abondante que les petites foules gardent pour elles.

Au cours de cette semaine exceptionnelle, j’ai profité de pentes enneigées peu achalandées, vu des paysages et villages magnifiques, ainsi que dégusté trois repas par jour en fascinante compagnie. Je ne pensais pas qu’on aurait pu se rendre sur les pentes en fin de matinée et y trouver encore de la poudreuse sans traces, mais c’est ce que j’ai découvert aux stations prospères, mais sous-estimées, des Portes du Soleil et de Gstaad. Les stations ici sont bien développées, étant dotées de remonte-pentes à haute vitesse, mais elles conservent aussi leur charme et leur tradition des vieux pays. Les villages, les chalets publics et les restaurants sont construits dans les montagnes.

Les montagnes représentent un mode de vie dans ce pays alpin classique; établie au beau milieu des Alpes, la Suisse est l’essence même du ski européen… avec un brin plus de fromage.