En novembre dernier, le site Living Wage for Families BC (en anglais seulement) a publié un rapport et un article de blogue intitulé Soaring living costs cause major increases in the living wage across B.C. L’article confirme l’évidence : c’est cher partout en ce moment. Mais, ce qui est inquiétant, c’est le fait que les prix dans les collectivités à proximité d’une station de ski sont équivalents, voire supérieurs, à ceux des grandes villes.

Le coût de la vie est en hausse, tout comme les taux de salaire vital. Qu’entend-on donc techniquement par « salaire vital »? La réponse n’est pas si simple; il diffère du salaire minimum et varie d’une collectivité à l’autre.

« Le salaire minimum est le taux de rémunération le plus bas que vous pouvez verser à votre personnel dans votre province, et ce montant ne change pas, peu importe la région. Ce taux est prévu par la loi; vous devez donner au moins 15,65 $ l’heure à chacun des membres de votre personnel, explique Anastasia French, directrice provinciale à Living Wage for Families BC. Mais, il ne tient pas compte du coût de la vie, qui peut être bien plus élevé à certains endroits qu’à d’autres. Living Wage for Families s’est associée au Centre canadien de politiques alternatives et à 22 collectivités de la province pour calculer le salaire vital par région. Et ce salaire est fondé sur le coût réel des nécessités de la vie. »

Le salaire vital est le taux horaire dont ont besoin deux parents travaillant à temps plein pour faire vivre une famille de quatre personnes. Mme French explique que ce salaire permet un niveau de vie décent, mais très modeste, sans les à-côtés que bon nombre tiennent pour acquis. Parmi les facteurs pris en considération dans le calcul de ces taux, mentionnons le coût du loyer, des aliments, des services de garde et du transport.

Mme French est directe : même à l’endroit où le coût de la vie est le moins élevé en Colombie‑Britannique, la vallée du Fraser, le salaire vital dépasse tout de même le salaire minimum de quatre dollars l’heure.

C’est habituellement dans les grandes villes que le coût de la vie est le plus élevé. Le salaire vital dans le district régional du Grand Vancouver est passé de 20,52 $ l’heure en 2021 à 24,08 $ l’heure en 2022. Cependant, Mme French indique que le coût de la vie dans les municipalités de villégiature et les collectivités aménagées en fonction de l’agrément de la population est tout aussi élevé et, parfois même, supérieur. Le salaire vital à Revelstoke est passé de 19,51 $ en 2021 à 23,60 $ en 2022; celui de Fernie est désormais de 23,58 $; à Golden, où se trouve Kicking Horse Mountain Resort, il est passé de 19,46 $ en 2021 à 25,56 $ en 2022.

Mme French affirme que le principal facteur responsable de la hausse de ces taux est la disponibilité, ou plutôt le manque de disponibilité, des logements dans les collectivités à proximité d’une station de ski.

« En ce moment, le salaire vital est calculé en fonction d’une famille. Les logements comptant trois chambres à coucher ne sont pas très nombreux à ces endroits, déclare-t-elle. Les garderies se font également rares. Par conséquent, c’est beaucoup plus cher qu’aux endroits où il y a de la disponibilité. »

Mme French ajoute que le coût des aliments dans les collectivités où se trouve une station de ski peut être plus élevé.

Caroline Tremblay est coordonnatrice de projets à Community Economic Development, à Golden, en Colombie-Britannique, l’organisme sans but lucratif chargé d’aider à calculer le salaire vital à Golden. Elle indique qu’une des raisons pour lesquelles le salaire vital à Golden est si élevé est parce qu’on n’y compte que deux garderies et que quelques fournisseurs autorisés de services de garde en milieu familial. Le même problème se pose dans de nombreuses autres collectivités du genre.

Mme Tremblay explique qu’il est important de déterminer un salaire vital pour Golden puisque cela aide à orienter les décisions communautaires et l’économie, en plus d’aide à amorcer une discussion importante : les intervenants économiques, comme Kicking Horse Mountain Resort, ont-ils la liberté de payer leurs effectifs en deçà du salaire vital?

Petites villes, grosses pressions

« Nous sommes de petites collectivités, des collectivités rurales, qui subissent les mêmes pressions que les grosses villes », ajoute Mme Tremblay.

Elle affirme que les employeurs peuvent aider à alléger ces pressions de diverses façons. Pour commencer, ils peuvent tenter de verser le taux de salaire vital ou, du moins, un taux qui s’en approche. De plus, si les stations de ski offraient l’hébergement et des services de garde aux membres de leur personnel, cela pourrait réduire en partie les difficultés financières associées au coût de la vie dans une collectivité où se trouve une station de ski.

Un porte-parole auprès des médias de Resorts of the Canadian Rockies (RCR) a indiqué que ses stations, comme bien d’autres, font leur possible pour surmonter cette situation difficile.

« Resorts of the Canadian Rockies continue de chercher différentes façons d’aider son personnel, comme la conversion de la moitié d’un hôtel en logements pour ses effectifs ou la location d’un hôtel au centre-ville pour y héberger ces derniers. » À Revelstoke, la station a acheté une auberge pour loger sa main-d’œuvre saisonnière. Elle a aussi entamé, l’automne dernier, des travaux de défrichage en vue de la construction de logements sur place pour son personnel.

RCR affirme avoir récemment augmenté les salaires de départ à ses stations de près de 25 %, même avant la parution des conclusions de la nouvelle étude sur le salaire vital. Le porte-parole ajoute que l’entreprise continuera à surveiller le salaire vital afin de soutenir ses effectifs et collaborera avec les collectivités à proximité de ses stations pour trouver des solutions adaptées à leur milieu.

Problèmes liés au maintien en poste des effectifs

Un salaire vital plus élevé augmente les pressions tant sur les employeurs que sur la main‑d’œuvre, explique Mme French. Bien évidemment, il est difficile pour la main-d’œuvre de vivre à un endroit où le coût de la vie est élevé. Mais, c’est aussi difficile pour les entreprises. Celles-ci ont communiqué avec Living Wage for Families BC afin d’être reconnues en tant qu’employeurs offrant le salaire vital étant donné que cette désignation les aide à maintenir leur personnel en poste.

« Le maintien en poste est probablement l’un des éléments les plus importants d’un point de vue strictement financier, déclare Troy Hudson, directeur général à Sovereign Lake Nordic Club. L’embauche et la formation de nouveaux effectifs chaque année coûtent cher, en plus de nous faire perdre beaucoup de temps, c’est pourquoi nous voulons nous assurer de fournir des salaires justes et concurrentiels à nos effectifs et de les maintenir en poste année après année. »

Sovereign Lake Nordic Club s’est engagé à verser un salaire vital à son personnel et est reconnu comme tel par Living Wage for Families BC. M. Hudson affirme que le taux de salaire vital constitue un fardeau financier supplémentaire pour le club, qui est un organisme à but non lucratif, mais qu’il ne suffit pas de payer son personnel au moyen d’avantages sur le plan du style de vie, comme des abonnements gratuits et une formation de secourisme. Les abonnements de saison gratuits sont certainement appréciés, mais le personnel ne peut pas vivre de ces avantages.

« Les gens doivent être en mesure de vivre passablement bien. Le coût de la vie n’est pas en baisse. Le coût des aliments n’est pas en baisse, ajoute-t-il. C’est bien beau de leur offrir un style de vie de skieur, mais ce n’est pas ce qui leur permet de payer leurs factures, de mettre de la nourriture sur la table et d’avoir un toit au-dessus de leur tête. Il est donc primordial pour nous de pouvoir leur offrir ça. »

M. Hudson indique que le club affiche fièrement être un employeur offrant le salaire vital sur la porte de son pavillon. « Je crois qu’il est important que le public et nos membres soient au courant qu’une portion du prix payé pour leur abonnement de saison et leurs billets de journée veille à ce que nous puissions offrir un salaire juste à tous les membres de notre personnel, ajoute-t-il. Ce n’est qu’une des composantes d’un modèle d’affaires durable… c’est un de nos objectifs : veiller à subvenir aux besoins de notre personnel, tout en subvenant aux besoins du club à long terme. »

Que peuvent tirer les stations de ski canadiennes de l’exemple de Sovereign Lake Nordic Club et peuvent-elles offrir des taux de salaire vital? Le versement d’un salaire vital est une chose admirable par où commencer. Une telle mesure profite tant à la main-d’œuvre qu’aux employeurs du point de vue du maintien en poste du personnel. Mmes French et Tremblay affirment que l’incidence de la croissance généralisée du coût de la vie continuera de se fera sentir dans les collectivités à proximité d’une station de ski de la même façon que dans les grosses villes, plutôt que comme dans les petites collectivités rurales. Les stations de ski peuvent contribuer à alléger les pressions ressenties en offrant des ressources à leurs effectifs pour composer avec la nature dynamique et diversifiée de leur collectivité.